Au moment même où Québec écartait l’enseignement à distance à temps plein pour nos
élèves lors de la prochaine rentrée, je communiquais avec l’un de mes ex-élèves
afin de percer le mystère du modèle taïwanais :
- Salut
Gabriel ! Si ma mémoire est bonne, ton père habite Taïwan ? Possible de me
mettre en contact avec lui ?
- Bonjour
Sylvain, je te mets en contact avec mon père Philip, fier résidant de Taïwan depuis,
quoi, 7 ans maintenant ? Si tu as des questions sur la gestion scolaire en
temps de pandémie, je pense que c’est une bonne source !
- Excellent.
D’ailleurs, je viens tout juste de lire un article à propos de l’éclatant succès de Taïwan (Lien).
- On
n’aura quasiment jamais autant parlé de Taïwan, du moins, pas pour de bonnes
raisons de même !
Et c’est ainsi que Philip Brook,
père d’un jeune adulte à Québec et d’un enfant de près de six ans à Taïwan, s’est
présenté à moi :
- Je suis théiculteur. Je pense que c’est un néologisme, mais ça sonne bien ! Si vous préférez producteur et affineur de thé, ça me convient tout autant.
- Bonjour Philip, comme je le soulignais dans mon dernier texte (Pro domo, pour mon école), je souhaite vivement une rentrée « normale ». Je voulais avoir un petit topo de ce qui se passe chez vous. Possible ?
- Je
pense qu'il faut, à priori, comprendre les motivations derrière l'ensemble des
mesures adoptées à Taïwan face à la présente pandémie.
Je t’invite à lire ce texte du Guardian : lien. Il résume bien autant les
motivations des autorités que le résultat obtenu, surtout en ce qui concerne
les droits et libertés de sa population.
Étant une île - ce qui ne peut
qu'aider dans ce genre de circonstances - la stratégie taïwanaise était de
prévenir la contamination importée d'ailleurs afin de préserver la normalité de
la vie sur son territoire.
Cette normalité se reflète sur
l'ensemble des activités scolaires qui, à part le port du masque obligatoire
(ce qui n'est pas une contrainte ici), le lavage des mains, et la prise de
température à l'arrivée chaque jour, demeure des plus normales ici. À part un
congé du nouvel an lunaire prolongé de deux semaines au pic de crise, tout est
normal et le calendrier annuel est respecté.
- Bref,
un plan de match assez simple. Et les masques sont fournis par l'État ?
Réutilisables ou à usage unique ?
- Très
bonne question qui me rappelle un épisode du début de la pandémie, c’est-à-dire
au moment où Wuhan était durement touchée et Taïwan subissait une invasion de
cas importés du nord (ainsi qu'en Corée du Sud et au Japon). Tout ça pendant
que l'Occident dormait toujours en pensant que ce n'était qu'un problème
asiatique.
Les mesures de quarantaine étaient
déjà en place et la réaction spontanée de la population fut de se ruer sur les
stocks de masques qui se sont volatilisés en peu de temps.
Résultat : une pénurie de masques.
Les entreprises locales ne
suffisant plus à la demande, en moins de deux semaines, le gouvernement central
avait investi dans de la machinerie et autres ressources nécessaires et était
devenu, du jour au lendemain, producteur de masques (en co-entreprise).
Le tout se déroulait au même moment
que le congé du nouvel an lunaire.
Le plus grand stress de la
population était directement lié au souci des parents envers leurs enfants
devant retourner à l'école après le congé en temps de pénurie de masques.
Le congé fut prolongé de deux
semaines.
Durant cette période, le gouvernement
a eu le temps de mettre en place ces nouvelles unités de production, établir un
système de distribution centralisé avec quota contrôlé par le gouvernement (via
l'équivalent des CLSC et par Internet très rapidement après). Bien sûr, le prix
était contrôlé par le gouvernement (+/- 0,20 $ par masque).
Bref, aujourd'hui, tout le monde a
accès facilement aux masques. Il n'y a pas de pénurie, plutôt un surplus de
production que Taïwan utilise pour offrir en cadeau aux pays dans le besoin.
Justin a bénéficié de ces
largesses, entre autres.
Ce ne sont pas des masques en
tissus réutilisables. Les Taïwanais savent très bien qu'ils sont inefficaces.
Il s'agit de masques très proches de la norme N95 qui sont jetables
(malheureusement). Je t’invite à lire l’article suivant : lien.
- Donc,
les élèves taïwanais fréquentent l’école à temps plein à l’aide de trois
mesures accessibles à nos élèves. Et la distanciation physique ?
- Il
n’y a aucune distanciation physique durant les classes (lorsque les élèves
portent le masque). Par contre, cette mesure est utilisée à l’heure du dîner.
Ainsi, les élèves d'une école prennent leur repas en fonction d'un horaire
différent, par groupe d'âge, ce qui permet la distanciation physique en ayant
un plus petit nombre d'élèves présents dans la salle à manger.
- Merci
Philip ! En espérant maintenant que notre année scolaire se fasse en classe à
temps plein, comme chez vous…