Le lendemain, le journal
Le Soleil publiait un article intitulé
Les enseignants de la CS des Premières-Seigneuries gagnent une première bataille. Cet article rapportait les mêmes propos de monsieur Serge Pelletier, directeur général de la Commission scolaire des Premières-Seigneuries.
Voici ma réponse :
À titre de père de trois enfants
fréquentant une école de la Commission scolaire des Premières-Seigneuries, j’ai
lu votre déclaration dans le journal, mais aussi dans le communiqué envoyé par
votre organisation à tous les parents.
Selon vous, «dans ce dossier, la
priorité de notre commission scolaire a toujours été de favoriser la réussite
des élèves en leur assurant le maximum de temps d'apprentissage de qualité,
particulièrement pour ceux à risque et en difficulté d'apprentissage. Notre
conviction profonde, c'est que chaque jour de classe peut faire la différence
pour la réussite des élèves.» Devant tant de vertu de votre part, j’aime à
penser que mes enfants fréquentent une organisation exceptionnelle.
Néanmoins, je dois avouer que
tout cela m’inquiète vivement. Vos propos soulèvent quelques interrogations. Si
je comprends bien, vos employés ne partagent pas la même conviction que la
vôtre ? Les enseignants ne considèrent pas la réussite des élèves comme une
priorité ? Est-ce bien là l’évaluation que vous faites de votre personnel ? J’ose
maintenant espérer que mes enfants réussiront à sortir indemne de cette menace
pédagogique.
À titre d’enseignant, j’ai une
lecture légèrement différente de la situation. Je crois que nous devons prendre
les moyens nécessaires afin de favoriser la réussite des élèves non pas à
l’aide d’un dossier spécifique, mais grâce à l’ensemble de nos actions. Une
chose est certaine : nous réussirons si nos enfants fréquentent une école où la direction et les enseignants
fondent leurs interventions éducatives sur les données probantes et les
pratiques exemplaires en éducation. Comme le disait B. Rosenshine :
«Show me the data !»
En parcourant la littérature
scientifique, il est facile de trouver plusieurs problèmes beaucoup plus urgents
à régler que la reprise de quelques jours de grève. Vous voulez des exemples ?
D’abord, selon Égide Royer (2016),
«les interventions
préventives dans les excellents réseaux scolaires reposent sur des liens
fonctionnels établis, entre autres, entre les garderies et les écoles. De plus, on y effectue
un suivi systématique des lecteurs débutants. Du personnel spécialisé
intervient rapidement auprès de ceux qui présentent des difficultés. On ne
laisse pas les jeunes prendre du retard. L’enseignement explicite est
privilégié.»
Ensuite, selon le rapport d’un comité d’experts (2014), «dans
les États où existent des commissions scolaires, les résultats des élèves s’améliorent particulièrement quand
les élus et le personnel s’engagent dans des formations continues portant sur
la réussite scolaire et orientent leur action vers cet objectif. Dans tous les
cas, une bonne synergie entre
le personnel enseignant et la direction d’établissement contribue à la réussite
des élèves en créant dans l’école un climat propice à la persévérance
scolaire.»
Les résultats des élèves s’améliorent aussi «lorsque la direction générale donne aux
directions d’école des buts à atteindre, mais leur laisse le pouvoir de décider
des moyens à mettre en place tout en leur fournissant les ressources
nécessaires.»
Également, «le comité observe
qu’au Québec, le nombre de projets particuliers sélectifs continue d’augmenter
alors que, parallèlement, on fait la promotion de l’intégration des jeunes en difficulté
ou handicapés en classe ordinaire, ce qui entraîne un déséquilibre dans la composition
des groupes.»
Je pourrais poursuivre longuement
cette série d’exemples. J’inviterais donc l’employeur et le syndicat à
s’entendre sur plusieurs sujets primordiaux et à unir leurs forces. Ils deviendraient
ainsi la référence au Québec. Un modèle à suivre quant à la lutte au décrochage
et à la valorisation de l’éducation.
À ce propos, je médite
régulièrement cette citation de Jean Béliveau : «un gagnant sait pourquoi
se battre et quand céder à un compromis. Un perdant cède à un compromis quand
il ne faut pas le faire et se bat pour quelque chose qui n’en vaut pas la
peine.»
Ma conviction profonde, monsieur
Pelletier, c’est que le jour où le patronat et le syndicat travailleront
ensemble à la réussite du plus grand nombre, il y aura enfin une lueur
d’espoir.