Le 2 octobre dernier, M. Stéphane Boulé (enseignant au secondaire) publiait une lettre d'opinion dans le journal La Presse +
Voici ma réponse :
Par une coïncidence malheureuse, votre lettre
semble être le préambule au coup d'envoi de la Semaine pour l’école publique qui débutait le 2 octobre dernier. J’ai ressenti diverses émotions en lisant
votre texte, or jamais de ce que l’on appelle de la fierté.
À votre affirmation, « Oui, la majorité
des jeunes Québécois réussissent ! », j’ajouterais la question
suivante : pourquoi moins au Québec qu’ailleurs ? Loin de moi l’idée de
vouloir briser votre merveilleux conte de Disney, mais je crois que votre discours
est un brin déconnecté. Dans un paysage
dévasté, votre histoire fantastique met l’accent sur une magnifique licorne.
Serait-ce de la naïveté, de la jovialité ou de la mauvaise foi ? Sachant que
vous enseignez dans une école privée sélective en banlieue de Québec depuis les
années 90, je suppose que vous souffrez d’une vision biaisée.
D’abord, vous refusez qu’on salisse notre
système scolaire. C’est tout à votre honneur. Toutefois, il ne s’agit pas d’une
campagne de dénigrement, mais plutôt de constats lucides. Les problèmes vécus
dans le système d’éducation font la une et c’est tant mieux. Comment espérer
des changements autrement ? J’imagine que je ne vous apprends rien en affirmant
que l’humain est à la recherche de solutions pendant les jours sombres. Lors des
journées ensoleillées, il est plutôt du genre « imbécile heureux ».
À vos yeux, « l’une des plus importantes
(belles et grandes choses de notre système scolaire) est que la majorité des
jeunes qui y entrent en sortent avec un diplôme sous le bras. » Voilà une
affirmation intéressante. Vous aimez les devoirs ? Je vous invite à lire le rapport
Ménard (2009) sur le drame individuel, les conséquences sociales et les
coûts astronomiques liés à l'abandon scolaire. Il vous permettra de nuancer vos
propos et d’élargir votre perspective.
En fait, à la suite de la lecture de votre
lettre, tout va encore plus mal que je ne le croyais. Je vous cite : « Pour moi qui ai enseigné le français à près de 4000
adolescents depuis le début des années 90, il en ressort très clairement que ce
n’est pas le milieu social ou le revenu familial qui, en premier lieu, fait
qu’ils réussissent leurs études. » Cet extrait (et j’aurais pu en choisir d’autres)
illustre bien le fondement de votre argumentation : votre expérience
personnelle. Dans mon champ d’enseignement, cela porte un nom : une
pseudoscience. De lire un enseignant en faire usage est très inquiétant.
Malgré
toute votre bonne volonté, ce texte fait ressortir ce que l’on reproche à
plusieurs acteurs du monde de l’éducation : un discours et des actions qui
se fondent très peu sur l’utilisation des données probantes. En cette
période de consultations publiques sur la réussite éducative, le Québec cherche
des priorités d’action en éducation. Entre autres, des voix s'unissent pour la
création d'un Institut national d'éducation publique. À votre insu, vous faites
une démonstration éloquente de sa pertinence.
Néanmoins,
je partage votre avis quant à l’importance de l’engagement. C’est pourquoi j’oserais
proposer un gentil devoir à tous les enseignants voulant s’engager dans la
réussite du plus grand nombre. Je vous suggère de lire le livre de Baillargeon
intitulé Légendes pédagogiques et
l’ouvrage Visible Learning de Hattie. Il serait aussi souhaitable de consulter le site Internet RIRE (Réseau d'information pour la réussite éducative). Je crois qu’il s’agit là d’un bon départ.
En terminant, je dois vous avouer
que je me suis surpris à afficher un petit sourire narquois en réfléchissant à
votre texte. Je me suis dit qu’il s’attaquait tout de même à une croyance
populaire… Celle qu’il n’y a qu’à l’école publique que l’on doive combattre le
manque de rigueur scientifique.
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