jeudi 1 septembre 2022

Quand il faut cacher sa positivité

Bonjour à tous,

Cette semaine, j'ai reçu une lettre de la part de deux enseignantes. Si je la publie sur mon blogue, c'est qu'elles souhaitent conserver l'anonymat.

Le sujet ?

L'absurdité de certaines consignes émises par différents CSS en ce qui a trait aux congés des enseignants qui reçoivent un résultats positif à la COVID.

Merci aux filles de leur confiance. 

Bonne lecture.

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Si vous pensiez que la rentrée 2022 allait (enfin) être de tout repos; détrompez-vous!

Comme on le sait, le monde de l’enseignement est en manque. En manque de ressources matérielles, financières et humaines. Aujourd’hui, j’ai envie de vous dire que, plus que jamais, il est en manque de gros bon sens. On entend partout que l’on doit absolument attirer de nouveaux enseignants en valorisant la profession. Que l’on doit garder, alimenter, la flamme de ceux qui sont toujours là et qui, malgré les aberrations du système de l’éducation, continuent, année après année, à enseigner à vos, à nos enfants. On engage maintenant des gens qui ont comme seule qualification le désir de relever le défi d’être prof! D’ailleurs, on les remercie d’être là. On remercie ces femmes et ces hommes qui, consciemment ou non, se lancent dans un monde où passion, bonheur, résignation, incompréhension, dévouement et consternation se côtoient. Savez-vous quoi? Je pense que le système n’a jamais été aussi malade et ce n’est pas la COVID qui en est la seule responsable!

Sans vous résumer tout ce qui s’est passé depuis la venue de ce vilain virus dans notre quotidien d’enseignant, laissez-moi vous parler de mon retour au travail et des nouvelles consignes émises par certains centres de services, dont le mien. Cette semaine, j’ai côtoyé des gens, visiblement malades au travail. Normal, me direz-vous… les rhumes existaient avant la COVID et vous avez raison. Pourquoi chiales-tu alors

Je chiale parce que, actuellement, un enseignant qui teste positif à la COVID doit s’isoler pendant cinq jours et porter le masque à son travail les cinq jours suivants. «Ok, c’est comme ça partout!» En fait, je vous répondrai en vous disant que la modalité est certes la même, mais en ce qui a trait aux congés de maladie, on est à des lunes de ce qui se passe dans d’autres milieux. Voici donc notre réalité : non seulement un enseignant qui teste positif à la COVID doit s’isoler pendant cinq jours, mais on lui retire cinq jours de maladie sur les six dont il dispose pour l’année (je parle ici d’un enseignant à 100 % de tâche). Me voyez-vous venir? Il s’agit ici d’un choix pas de choix. Par civisme, par respect, par solidarité, l’enseignant va aviser son employeur et ce dernier lui dira de s’isoler pendant cinq jours, ce qu’il fera, au détriment de ses congés et de sa propre famille. Il le fera aussi en laissant une planification détaillée pour ces cinq jours de maladie où il sera absent... absent de l’école seulement. En effet, cela signifie qu’il travaillera de la maison, en forme ou non, puisqu’il passera de longues heures à préparer ses cours pour le bien de ses élèves et par respect pour les personnes qui le remplaceront. Tout ça, sans la moindre compensation. Comment est-ce possible? Qui accepterait ça dans d’autres domaines? On est loin du «Je serai absent pour les prochains jours, boss». Voici donc une autre aberration présente dans le monde de l’enseignement. Et voulez-vous savoir le plus aberrant? L’an passé, alors que les directions nous vantaient les avantages du bimodal (enseigner de chez soi avec un surveillant en classe), bien, aujourd’hui, il est impossible pour un enseignant apte au travail de choisir d’enseigner en bimodal et, ainsi, de conserver ses congés pour lui, pour sa famille. Pas besoin de vous rappeler que nous sommes en manque de personnel. Qui (ou quoi, on est rendus là) sera devant nos enfants pendant ce temps? Au départ, je me rappelle très bien que le bimodal ne plaisait pas à la plupart des enseignants. On ouvrait la porte à quoi? Un enseignant pourrait désormais enseigner de son lit d’hôpital? Jusqu’où cette nouvelle façon de faire allait-elle aller? Malheureusement, qu’on le veuille ou non, il s’agissait du seul moyen de conserver nos congés. Alors, la plupart l’ont fait malgré tout, malgré leurs convictions. Aujourd’hui, on nous retire cette option… option que certains avaient finalement acceptée par choix ou par dépit.

Je ne prédis pas l’avenir, même si j’aimerais pouvoir le faire, mais je peux vous dire la suite des choses et je pense viser juste : vos enfants évolueront dans un milieu où des enseignants se verront dans l’obligation de cacher qu’ils sont positifs à la COVID, d’aller contre leurs valeurs, contre leur foi au vivre ensemble. Ils se présenteront au travail (avec masque peut-être, espérons-le) et feront leurs prestations malgré la maladie puisque ce sera la seule façon de conserver leurs congés qui, pour la plupart, sont utilisés pour leurs propres enfants. D’autres choisiront de ne pas se tester : pas de test, pas de COVID!

Les élèves ont à peine franchi les grandes portes de l’école que déjà, des enseignants ont cinq journées de congé en moins (certains ayant été contaminés dans leur milieu). Une seule journée de congé pour le reste de l’année scolaire! Une! C’est surréaliste! Surtout quand nous sommes parents… Qui, en 2022, peut se permettre de prendre plusieurs congés à ses frais en raison d’une banque qui s’est vidée (trop) rapidement

Chers collègues, vous êtes conscients que, par négligence ou par obligation, certains d’entre nous risquent de contaminer leurs confrères ou de se faire contaminer, et ce, sans jamais être dédommagés… Une roue qui tourne... carré! Dans un tel contexte, vous devez penser à qui? À votre famille, à vous, à vos collègues, à vos élèves? Vous, vous feriez quoi? Serions-nous en présence d’un dilemme éthique ici? Je crois bien que oui. Cette semaine, je ne me suis pas sentie en sécurité dans mon milieu de travail et, si rien ne change, eh bien, ce sera le cas pour les dix prochains mois… Serrons les dents

J’entends certains dire haut et fort : «Bien, au lieu de chialer, apporte des solutions…»

Les voici donc :

  1. Le retour d’une banque COVID de cinq jours avec preuve de test positif PCR. Encore faut-il que l’on accepte de nous tester… 
  2. Donner le choix aux enseignants d’enseigner en bimodal comme c’était le cas l’an passé. De cette façon, les enseignants aptes au travail pourront faire ce choix tout en protégeant leurs collègues et élèves. Fini les choix pas de choix

Alors, oui, les écoles sont en manque… en manque de gros bon sens!

S.D & J.L, deux enseignantes qui ne pensaient jamais devoir cacher… leur positivité.




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