Lors de la crise actuelle, le gouvernement a
fait un effort louable afin d’apeurer la population. Avec raison. Devant
l’insouciance de certains « braves », le message d’épouvante devait
se construire rapidement.
Ainsi,
en regardant sa téléréalité quotidienne préférée, le Québécois en manque
d’humilité envers la puissance de la nature a compris la gravité de la
situation.
Au
moment où le citoyen conçoit que sa vie est en danger, le succès d’une opération
de confinement est possible. D’ailleurs, il suffit de sortir un tant soit peu de
la maison pour constater l’évolution des changements dans nos comportements
sociaux.
Maintenant,
nous amorçons un virage à 90 degrés. Un déconfinement
progressif. Ce changement soudain dans le discours a de quoi surprendre.
Je
me sens aujourd’hui comme un enfant à qui l’on aurait raconté l’histoire du
Bonhomme Sept Heures dans le but de le forcer à rester au lit… et à qui l’on
demande subitement de se rendre à la toilette, seul dans la nuit sombre, afin
d’éviter de pisser dans ses culottes.
Bref,
il faudra déconstruire graduellement notre peur légitime. Une toute autre
histoire. Une histoire beaucoup plus longue.
Retour à l’école
J’étais
prêt à rentrer au travail. Avec le sourire. Pour une dizaine de bonnes raisons.
Pour le moment, mes collègues du primaire auront à le faire.
Mais
la « question qui tue » demeure sans réponse : est-ce que la reprise
de l’année scolaire se fait vraiment pour ces bonnes raisons ?
Dois-je
me fier à mon directeur Legault, à son directeur adjoint Arruda et au président
du conseil étudiant Roberge ?
J’ose
l’espérer, mais l’expérience m’a appris à me méfier du pouvoir politique.
Malgré
tout le respect que j’ai pour le Dr Arruda, il reste, à mes yeux, un individu
ayant un double rôle particulier : à titre de sous-ministre, il doit être
loyal envers son boss et à titre de Directeur national de la Santé publique (et
médecin), il a un devoir envers le public qu’il doit protéger. Une position
délicate en de pareilles circonstances.
Or,
il est permis d’être suspicieux lorsqu’on apprend que l’ex-présidente de
Médecins sans frontières, la Dre Joanne Liu « aurait été
écartée par Québec des groupes d’experts du gouvernement, car on craignait qu’elle ne soit pas « contrôlable », compte tenu du fait
qu’elle n’a de compte à rendre à personne. »
La réalité
Lorsque
l’on entend une chose et son contraire, un constat s’impose : nous sommes dans
un match d’improvisation à saveur scientifique où la quantité de données sur
lesquelles se fonder pour la prise de décisions fiables est encore trop faible.
J’éviterai
ici les débats quant à la possible transmission aérienne par microgouttelettes
ou encore celle confirmée par macrogouttelettes, mais la question se pose :
quels seront les impacts d’une longue cohabitation dans une classe (souvent
sans fenêtres ou avec des meurtrières) d’au plus 75 m2 avec un
nombre X d’individus à l’intérieur ? Ou encore lors du trajet en autobus ? (sans masque, faut-il le rappeler... À ce propos, le modèle taïwanais semble un exemple à suivre)
Dans
la tourmente, il y a une certitude : lorsque les écoles ouvriront leurs portes,
des mesures strictes seront impossibles à respecter. Je le sais, car je côtoie
des adolescents depuis 25 ans. Les enseignants du primaire vous diront la même
chose.
Certains
rigolos tourneront l’affaire au ridicule. Et pourquoi pas un petit jeu de tague-covid dans la cour d’école ?
D’autres, un peu plus méchants, tenteront d’intimider les autres en menaçant de
leur tousser au visage. Heureusement, il s’agira de l’exception.
La
distanciation physique dans une école varie de 0 à 50 cm en moyenne. À mon
école, en temps normal, 1400 personnes touchent les rampes d’escaliers, les
poignées de portes ou les bureaux plusieurs fois par jour. À l’école primaire de mes enfants,
ils sont plus de 900.
Des
élèves se raclent la gorge, éternuent, toussent et se mouchent régulièrement.
Les bureaux servent de dépotoir à kleenex. Ils ont parfois des allergies
saisonnières et souvent le rhume. Il y a pire, comme l’influenza.
Voilà
la routine habituelle dans un nid à virus.
Quelle
devra être notre nouvelle réaction face à ces gestes banals quotidiens ? On
testera systématiquement à chacun des signes afin de prévenir un drame ? Vraiment ?
À
titre d’enseignant, je peux jouer un rôle important dans la déconstruction
d’une peur chez mes élèves. Par contre, comment déconstruire celle chez les
adultes ?
Quand
on a pris l’habitude d’appeler la police pour dénoncer des enfants qui jouent
ensemble, de distribuer des contraventions salées et qu’on ouvre les écoles en
mai à la va-comme-je-te-pousse, il faut s’attendre à un cocktail explosif, voire mortel.