Je suis un membre du Syndicat de l’enseignement de la
région de Québec (SERQ). Depuis quelques semaines, je chante joyeusement un air
connu modifié : SO SO SO Solidarité ! SO SO SO
Sonne faux !
En effet, lors du vote de grève à l’automne, le SERQ
était fier d’annoncer qu’il détenait une somme appelée un fond de grève. J’ignore
pour vous, mais pour le cotisant que je suis, j’aimais croire qu’un tel fond
permettait d’aider les travailleurs subissant une perte de salaire. Un
dédommagement à même ma contribution afin de combler ma coupure salariale.
Erreur ! En fait, il s’agit plutôt d’un fond de manifestation. La prémisse
est la suivante : les syndiqués sur la ligne de piquetage méritent des
dollars. En découle alors le principe suivant :
la participation à ladite ligne donne le droit à un chèque. Vous voulez un
retour sur votre cotisation au fond de grève ? Vous devez être
présent à la manifestation. À cet égard, les questions suivantes s’avèrent
pertinentes : est-ce que tous les enseignants participants méritent la
fameuse compensation ? Pourquoi encourager spécifiquement ce moyen de
pression ? Bref, cette façon de faire me semble néfaste à plusieurs
égards :
Suspicion sur les lignes de piquetage : certains
membres ayant voté contre la grève se retrouvent sur les lieux afin d’empocher
leur chèque. Les dollars avant la cause.
Manque de motivation réelle : certains membres en
faveur de la grève, mais peu enclins à manifester viennent faire du temps. Ils
regardent leur montre et s’assurent de ne pas fournir un effort supplémentaire.
En enseignement, on parle du minutage de la tâche. Les effets pervers des
lubies patronales sont maintenant bien ancrés chez certains syndiqués. Temps
travaillé égal temps payé.
Amplification du cynisme envers les syndiqués : il
est facile de nourrir le mépris de la population à l’égard du mouvement.
L’image projetée est celle d’un syndicat qui tente de gonfler artificiellement
ses effectifs lors des manifestations.
Iniquité : certaines personnes en faveur de la grève
et prêtent à manifester ne peuvent participer, et ce, pour d’excellentes
raisons. Elles sont ainsi privées d’un revenu malgré leur conviction.
Impartialité douteuse : tous les travailleurs ont cotisé
à ce fond. Cet argent leur appartient et devrait être une compensation
financière en réponse aux coupures de salaire en raison de la grève.
La hiérarchisation de la valeur du geste posé par un
membre m’apparaît comme une façon très subjective de compenser celui-ci. Est-ce
que tous les enseignants sur la ligne de piquetage participent à l’ensemble des
moyens de pression ? Il est facile de pousser l’absurdité de cette logique
d’un fond d’appui à la manifestation. J’ai porté mon chandail noir à tous les
mardis. Est-ce que cela vaut 1 $ par jour ? J’ai respecté l’opération
récré prolongée, la semaine de 32 heures, etc. Je mérite quoi ? Une
ristourne de 1 % ?
La légalité et la moralité d’une action ne vont pas
forcément de pair. Il suffit de penser à la décision d'Yves Bolduc d'empocher
son allocation de transition de 150 000 $. On pourrait aussi se
remémorer l’indemnité de départ de 560 000 $ remise à Thierry Vandal. J’ai
toujours pensé qu’un syndicat devait se situer un peu à gauche. Dans le cas
présent, force est de constater que le mien se retrouve légèrement à droite.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire