Cette semaine, j'ai changé mon plan de match. Une chronique du Journal de Montréal et du Journal de Québec mérite mon attention. Voici donc ma réponse au texte de Jérôme Landry intitulé Enseigner, le pire métier du monde ?
À Jérôme l'ado Landry
Je me suis placé dans la peau de
vos anciens enseignants. J’imagine leur déception. Si l’un de mes ex-élèves
signait une telle chronique, je me dirais que j’ai échoué lamentablement ma
mission. La rage dont vous faites preuve est sans équivoque : tous les
enseignants de votre parcours scolaire n’ont vraisemblablement pas réussi à
créer un lien signifiant avec vous. Ça m’a rappelé à quel point mon travail est
indispensable.
Néanmoins, c’est avec un beau
grand sourire que j’ai lu votre texte. Pourquoi ? Parce que je me suis surpris à
vous imaginer dans ma classe. Que j’étais votre enseignant. Que vous étiez chroniqueur
au journal étudiant. Je vous vois déjà ayant des difficultés de comportement.
J’adore les défis. Je crois que je vous aurais adoré.
D’abord, j’aurais tenté d’établir un lien
signifiant entre nous. Selon la recherche, la relation qu’un enseignant
entretient avec ses élèves correspond à 40 % de l’influence et du pouvoir qu’il
possède lors de ses interventions auprès des jeunes ayant des difficultés de
comportement.
Ensuite, j’aurais travaillé fort
dans le but de développer chez vous quelques qualités : informé, sensé, intègre,
réfléchi, ouvert d’esprit, communicatif, équilibré, etc. Comment ? En voyant
l’école comme un lieu où la culture générale passe bien avant mon cours.
J’aurais même pu utiliser un texte
comme le vôtre afin de créer un moment privilégié d’apprentissage pour tout le
groupe. Je m’imagine vous expliquer ce que sont les entraves au dialogue. Je me
vois vous outiller avant votre entrée dans le monde des adultes. Dans cette optique,
nous aurions exploré quelques exemples de sophismes :
1. La généralisation abusive
Chers enseignants des écoles publiques,
pourriez-vous cesser de vous plaindre sans arrêt ? (J. Landry)
Tous les chroniqueurs du journal de Montréal ne
savent pas écrire. (prof Dancause)
(Il s’agirait également d’une belle
occasion de discuter de cette citation de Christiane Collange : Le sexisme,
comme le racisme, commence par la généralisation : c'est-à-dire la bêtise.)
2. L’attaque personnelle
Votre salaire, c’est ce qui compte pour vrai à vos
yeux. (J. Landry)
J’ai entendu dire qu’il est un peu simple d’esprit.
(prof Dancause)
3. La fausse causalité
Vous savez pourquoi beaucoup de parents
s’endettent ou se tuent à l’ouvrage pour payer l’école privée à leurs enfants ? Parce
que nos enfants ne s’y feront pas écœurer par des revendications syndicales.
(J. Landry)
Il doit être frustré de ne plus travailler à CHOI,
c’est pour cela qu’il écrit des sottises. (prof Dancause)
Je profiterais de cette occasion
pour vous faire découvrir le livre Petit
cours d’autodéfense intellectuelle de Baillargeon. Je pousserais même
l’audace à initier tout ce beau monde à la philosophie. Pourquoi ne pas citer l’ouvrage
de Savater intitulé Éthique à l’usage de
mon fils ? D’ailleurs, en voici un extrait savoureux : « Sais-tu quelle est la
seule obligation que nous ayons dans cette vie ? Celle de ne pas être des
imbéciles. Le mot imbécile a plus de substance qu’il n’y paraît, ne t’y fie
pas. Il vient du latin baculus, qui
signifie « canne » : l’imbécile est celui qui a besoin d’une canne pour marcher.
Si l’imbécile boite, ce n’est pas des pieds, mais de l’âme : c’est son esprit
qui est amoindri et bancal. »
Intéressant, non ? Bref, j’aurais
bien aimé enseigner à Jérôme l’ado.
Question d’entretenir une bonne
relation avec mes élèves, j’adore faire des blagues. Je leur mentionne souvent
qu’il est facile d’atteindre le bonheur. Il suffit simplement de croire en la
devise suivante : « Pour être heureux dans la vie, l’important, c’est de se
croire. Vous faites alors partie de la grande famille des imbéciles heureux. »
À lire vos propos, vous êtes
manifestement devenu un membre de classe mondiale.
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