samedi 5 mars 2016

Éducation : les confidences de François Pignon

Est-ce que mon nom vous rappelle quelque chose ? Je suis le «con» de Pierre Brochant. Celui qu’il voulait inviter à son fameux dîner. À la suite de ses excuses, Pierre et moi sommes devenus des bons copains. À titre d’exemple, lorsque j’ai perdu mon emploi au ministère des Finances, c’est lui qui m’a suggéré de déménager au Québec. Il m’a affirmé que le système d’éducation constituerait une formidable famille d’accueil. Qu’il me voyait très bien y enseigner. Que les enseignants n’étaient pas considérés comme des abrutis là-bas. Et il avait raison.

D’abord, soulignons que le Premier ministre est un véritable père spirituel. À preuve, son message aux enseignants dans le cadre de la campagne de valorisation Prof, ma fierté ! de 2014 était phénoménal. Quand il déclare que « le grand projet du Québec, c’est bien plus que des routes et du béton… Le grand projet du Québec, c’est l’éducation », j’ai la chair de poule. C’est bien simple, je ne regarde plus les matchs de foot. J’écoute plutôt cette capsule de motivation en boucle. Je me suis même surpris à chanter Aaallez l’PM, Aaallez l’PM !

Ensuite, les gens du ministère de l’Éducation sont extra. Ils ont de l’imagination et une approche rigoureusement scientifique. C’est probablement pourquoi les ministres se succèdent à un rythme effarant. Ce n’est jamais très intéressant de s’occuper à regarder les autres travailler efficacement.

De plus, ils subventionnent les écoles privées afin de créer une saine concurrence. Plusieurs chroniqueurs, des sommités en matière d’éducation, écrivent d’excellents articles à ce sujet. Grâce à cette vision, c’est toute la marchandisation de l’école qui s’est fortement implantée. Il y a même un palmarès des écoles afin d’entretenir ce dogme. Je constate que ça fonctionne très bien. Les élèves les plus forts réussissent mieux et les plus faibles moins bien. Les Ontariens, les Belges du coin, ne financent pas leurs écoles privées. C’est vous dire comme on est plus brillant ici.

Également, inutile de vous rappeler que je suis syndiqué. Mon syndicat, c’est un peu comme Pierre, un vrai grand frère. Il prend soin de moi. Il s’assure que je ne change pas trop. Cet automne, il m’a convaincu de faire la grève pour le bien de mon école. Quatre jours de plaisir. On révolutionne le système quoi !

Enfin, il y a « Sasseur » à mon syndicat : ma commission scolaire. Pour elle aussi, l’élève est au centre des priorités. Tellement qu’elle n’a même pas défendu ses budgets lorsque la vague d’austérité est passée. Une grande sœur peu courageuse, me direz-vous, mais très perspicace. À ce propos, elle m’a annoncé que j’allais reprendre trois jours d’école perdus. Je vous cite un noble extrait du communiqué : « Nous souhaitons ainsi assurer le maximum de temps d’apprentissage de qualité pour l’ensemble de nos élèves, particulièrement ceux à risque et en difficulté d’apprentissage.» Ce n’est pas beau ça ?

C’est probablement pour cette raison que je jouis d’une grande autonomie. Ainsi, personne ne m’oblige à me former. Je peux également utiliser les approches de l’enseignement qui font mon affaire. Sciences, pseudosciences ou légendes pédagogiques… Qui s’en soucie ? De toute façon, avec l’extraordinaire formation que j’ai reçue à l’université, je suis compétent pour les 35 prochaines années.

Un collègue me faisait remarquer que j’avais le bonheur facile. Il m’a dit: « François, j’ai percé ton mystère. Pour être heureux dans la vie, l’important, c’est de se croire. » Ce qu’il peut être con celui-là ! Comment être malheureux lorsque votre famille a une vision aussi  « Juste » du bien commun ?

En terminant, je vous dirais que je ne suis tout de même pas naïf. Depuis ma mésaventure avec Pierre, j’ai changé. Si mes amis du système m’invitent un jour à dîner afin de discuter d’éducation, je serai un tantinet méfiant. J’apporterai avec moi un élève d’une classe régulière de l’école publique.




Aucun commentaire:

Publier un commentaire